Le LSUN ou comment être fiché-e dès le plus jeune âge Campagne contre le livret scolaire numérique

(actualisé le )

Après Base-élèves et le Livret personnel de compétences (LPC), le fichage à grande échelle des élèves se poursuit avec la mise en place du Livret scolaire unique numérique (LSUN) par un arrêté ministériel du 31 décembre 2015. Selon le discours officiel il s’agit de simplifier le suivi des élèves en uniformisant les outils qui détaillent ce qui est enseigné et évalué et de le rendre plus lisible et accessible aux familles. Ce discours est mensonger.

La simplification n’est vraiment pas au rendez-vous pour les enseignant-es, poussé-es à une évaluation double, chiffrée et par compétences. De plus les items à évaluer sont très mal définis, aussi bien dans leur contour pédagogique que relativement aux temps d’apprentissage. Le LSUN alourdit encore la charge de travail sans rien apporter aux pratiques pédagogiques. Il renforce encore la possibilité de contrôle des enseignant‑es avec son lot de pressions hiérarchiques puisque les éléments travaillés sont censés être renseignés au fur et à mesure sur un outil numérique qui enregistre tout.

LSUN code barre

Cela ne sera pas non plus simple pour les parents : en plus d’items difficiles à appréhender en raison de l’absence claire de définition des « compétences », des conversions ubuesques entre chiffrage et items pour le Brevet des collèges ou l’orientation sont mises en place. Comment croire dans ces conditions à un suivi des élèves plus accessible aux familles ?

La vérité est ailleurs : le LSUN s’inscrit dans la même logique de « profilage » ou d’invidualisation de la formation induite par la loi d’orientation et de formation tout au long de la vie du 24 novembre 2009, qui s’est beaucoup inspirée des demandes du patronat. C’est un outil pour transformer sans aucun débat l’école en machine à formater et soumettre les élèves aux demandes du marché du travail. Le LPC que nous avons combattu et qui a été peu à peu abandonné en pratique en a été la première manifestation d’ampleur. Le LSUN est le nouveau LPC, mais en pire :

- il contient des données personnelles hautement sensibles et mal protégées, comme les bilans des acquis scolaires, les attestations (ASSR, prévention), la mention des AP suivis ou des projets réalisés avec le degré d’implication, les modalités spécifiques d’accompagnement (RASED, UPE2A, PAP, PAI, PPS, PPRE, ULIS, SEGPA), et des renseignements à propos de l’assiduité et du comportement, sans qu’aucun mécanisme concret ne soit prévu pour exercer le « droit à l’oubli » ;

- il est numérisé et sera accessible à un nombre important d’institutions par croisement de fichiers via le Répertoire national des identifiants élèves (services municipaux, sociaux, police, justice, grâce aux lois du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance, du 7 mars 2016 sur les droits des étranger-es, du 17 mai 2011 dite de simplification administrative) – le LSUN montre la volonté de fichage, et on peut en outre raisonnablement douter de la sécurisation des transferts d’information malgré la sensibilité des données qu’il contient et leur intérêt pour tout gouvernement attaché au contrôle social ;

- il participe de la création de l’Europass, grand projet qui vise « à aider les citoyens à exprimer clairement leurs compétences et qualifications pour trouver un emploi ou une formation et aider les autorités compétentes à définir et communiquer le contenu des programmes »… c’est-à-dire qu’il s’agit de définir l’employabilité sur le marché européen du travail et de « lever le frein des diplômes nationaux », et donc du progrès qu’ils représentent, avec les conventions collectives, pour prémunir de l’arbitraire de l’employeur/se, tant pour le périmètre du poste de travail que pour le salaire. En somme, un gigantesque Livret ouvrier futuriste se met en place.

Au lycée, les synthèses de suivi et les bilans d’évaluations sont conservés dans le dossier scolaire de l’élève (arrêté du 31/12/2015). La classe de 2nde échappe encore à la numérisation des « compétences », mais la création du Livret Scolaire du Lycée (LSL) par l’arrêté du 8 février 2016 achève le suivi complet du CP au baccalauréat… auquel les livrets de maternelle préparent.

En théorie, l’article 38 de la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 donne aux responsables légaux des élèves un droit d’opposition à leur fichage, mais en pratique… où est l’information transparente aux familles ? Enfin, il faut savoir que toute personne qui saisit une information dans un fichier est légalement responsable s’il y a un usage mal-intentionné de ce fichier.

SUD éducation invite donc les personnels à informer les familles sur le sujet, et à décider collectivement des modalités de mise en échec de ce fichage éhonté et massif de nos élèves.

Pour plus d’informations sur le LSUN, vous pouvez :
 diffuser ce texte sous forme de tract dans vos établissements ;
 lire et diffuser le matériel de mobilisation de la fédération SUD éducation (voir ici) ;
 écouter une émission de radio enregistrée lors du meeting anti-LSUN organisé à Paris par SUD éducation et la CNT.


Campagne contre le LSUN

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