Devoir de réserve, une légende urbaine

(actualisé le )

De plus en plus souvent la hiérarchie tente de museler la contestation ou l’expression des personnels, en prétendant leur imposer le respect d’un supposé « devoir de réserve ». Or cette pratique présente dans de nombreuses académies ne repose sur aucun fondement juridique et va même à l’opposé de ce qui est promu dans les statuts de la fonction publique.

Le devoir de réserve n’existe pas

Les collègues qui contactent SUD éducation dans de nombreuses académies décrivent des reproches, voire des menaces, de la part de leurs supérieur-e-s hiérarchiques (proviseurs, IEN, président-e-s d’Université, voire membres de la hiérarchie centrale : secrétaires généraux, DRH, directeurs académiques...).

Ces reproches ou ces menaces, peuvent se résumer ainsi : « vous n’avez pas respecté le devoir de réserve, vous n’avez pas à vous exprimer publiquement ! ». Le recteur d’académie a même tenté d’intimider SUD éducation 59/62 à ce sujet il y a quelques temps - sans succès. Cette intention de museler les personnels de l’éducation ou leurs représentant-es fait écho à de nombreuses autres pressions du même type.

Or, que ce soit de manière volontaire ou non, les chef-fes qui brandissent ce supposé « devoir » pour nous faire taire se trompent lourdement. Le devoir de réserve n’existe pas : il ne figure en aucun cas dans le statut. Au contraire ! La liberté d’opinion est garantie aux fonctionnaires par l’article 6 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983, dite loi Le Pors (titre I du Statut Général).

Le devoir de discrétion professionnelle n’est pas un devoir de réserve

Bien entendu si la liberté d’expression des fonctionnaires est large, elle n’est pas non plus sans limite. Elle est bornée par le respect de la loi et par un devoir de discrétion professionnelle qui est quant à lui du ressort de l’éthique et défini par l’article 26 de la loi n°83-634 déjà citée.

Cela veut dire simplement que les fonctionnaires ne peuvent rendre publiques des données confidentielles de l’administration ni faire état d’informations confiées par des personnes et dont ils ou elles pourraient avoir eu connaissance à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions. Ce que nous confient les élèves et leurs familles n’a pas à être divulgué hors de leur utilité professionnelle, et c’est bien normal. Mais cela n’a rien à voir avec une quelconque obligation de réserve qui limiterait la liberté d’opinion et celle de son expression sur un sujet non confidentiel.

Un devoir d’obéissance quand la hiérarchie intime le silence ?

Les plus forcené-es de nos hiérarques évoquent parfois le « devoir d’obéissance » pour limiter le droit d’expression des personnels. Or en tant que tel celui-ci n’existe pas plus que le « devoir de réserve ». Si on doit se conformer aux consignes de travail des supérieur-es, celles-ci ne peuvent être en contradiction avec nos droits. En la matière la loi 83-634 met l’accent sur la responsabilité individuelle du fonctionnaire, plutôt que sur le principe hiérarchique, dans l’article 28.

Le devoir de réserve, une légende urbaine

Le supposé devoir de réserve n’est qu’une construction jurisprudentielle : si devoir de neutralité il y a, il s’applique plutôt aux fonctionnaires les plus hauts placés dans la hiérarchie de manière croissante en fonction du poste occupé.

L’absence dans les statuts d’un tel devoir de réserve n’est pas un simple oubli, c’est une volonté délibérée des rédacteurs/trices de la loi. C’est d’ailleurs ce que confirme le ministre de la fonction publique signataire de la loi, Anicet Le Pors, dans une interview qu’il a eu l’amabilité d’accorder à SUD éducation.

Références

 Loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dite loi Le Pors
 L’interview d’Anicet Le Pors sur le site de SUD éducation
 L’interview d’Anicet Le Pors sur son blog