NON à ParcourSup et au tri social des élèves, à l’Université ce sont les moyens qui manquent !

(actualisé le )

Le mercredi 23 mai à 11h30, à l’appel du Collectif de Résistance à la Sélection (CRS) et de SUD Étudiant-e-s Lille, un rassemblement a eu lieu sur le parvis de l’université de Lille 2, place Déliot à Lille. Il s’agissait d’afficher le soutien aux enseignant-es de Lille 2 mobilisé-es contre la nette dégradation des conditions de travail des personnels et des étudiant-es à Lille 2, notamment en Sciences politiques, et contre la loi ORE [1].


Un rassemblement unitaire

Le rassemblement a réuni plusieurs organisations et collectifs (CRS, SUD Etudiant-e-s Lille, SUD éducation Nord, Solidaires 59, SNESup-FSU, UNEF, AG de luttes de Lille, des organisations ou collectifs de lycéen-nes…) ainsi que des étudiant-es, des lycéen-nes et des personnes attachées à une université ouverte à toutes et tous. Des camarades cheminot-es de SUD-Rail sont venu-es soutenir cette mobilisation, après l’AG des cheminot-es qui a eu lieu à 11 heures à la gare.

Le rassemblement a réuni au total plus d’une centaine de personnes, Une assemblée générale unitaire contre la sélection et ParcourSup, et pour défendre des conditions de travail correctes à l’université, s’est mise en place et a commencé à débattre de la situation. Les enseignant-es mobilisé-es ont d’une part présenté la situation propre à l’UFR [2] de Sciences politiques, à l’origine de leur mobilisation, et d’autre part rapporté des éléments intéressants à propos des commissions d’examens des dossiers à partir des résultats de Parcoursup. Des lycéen-nes ou des étudiant-es présent-es [3] ont ensuite manifesté leur inquiétude alors que les premiers résultats sont sortis de l’algorithme le 22 mai. Les échanges ont montré les nombreuses questions qui génèrent de l’inquiétude, et les témoignages sont venus confirmer l’analyse syndicale.


UFR de Sciences politiques de Lille 2 : des conditions d’étude et de travail très dégradées

Les enseignant-es de l’UFR de Sciences politiques se mobilisent pour exiger des conditions de travail et d’étude dignes pour les personnels et les étudiant-es. En effet, les salles sont surchargées, il y a un recours très important aux vacations, avec lesquelles on exploite les enseignant-es non-titulaires sans leur accorder de réelle reconnaissance. Plusieurs enseignant-es précaires de Lille 2 n’ont toujours pas de contrat signé à l’heure actuelle.

Les conditions de travail des BIATOSS sont très difficiles, comme celles des personnels administratifs : ainsi une personne en CDD est-elle chargée de gérer 1 200 étudiant-es !

Faute de moyens, les travaux dirigés ont commencé très en retard cette année ; mais cela n’émeut pas la hiérarchie de l’université ou le ministère de l’enseignement supérieur, qui envisagent de résoudre une partie de ce problème en réduisant le volume horaire de certains enseignements de Licence (de 1 500 heures à 1 000 heures, avec une modularisation très importante)…

Il est aussi question de mettre fin aux compensations et rattrapages pour des raisons d’austérité budgétaire du service public, et de développer l’enseignement à distance : encore et toujours la même rengaine et des mesures qui s’avéreraient très discriminantes dans les faits.


Pour de meilleures conditions… et contre ParcourSup

L’avenir du cursus universitaire est très sombre car lorsque les personnels et les étudiant-es demandent des moyens à hauteur des besoins pour faire fonctionner l’université, le gouvernement et la présidence d’université répondent qu’il faut sélectionner les étudiant-es. Les moyens alloués à l’université ont progressé bien moins vite que le nombre d’étudiant-es, ce qui fait que la France est l’un des pays européens qui financent le moins les cursus universitaires. La Loi ORE instaure sans débat une sélection drastique pour résoudre idéologiquement un problème de financement issu de choix idéologiques très contestables dans un contexte de forte augmentation démographique.

SUD éducation a rappelé la cohérence des « réformes » successives de la maternelle à l’université, des fermetures des classes à l’« autonomie » concurrentielle des établissements du second degré, en passant par la fermeture programmée des CIO [4] et l’affaiblissement du service public d’orientation… sans parler de la réforme du lycée et du bac, qui instaurerait un système « à la carte » bien plus favorable aux élèves qui se débrouillent déjà bien dans le système scolaire. Les familles auront de plus en plus affaire au démarchage d’entreprises privées qui leur proposeront de les aider à s’orienter dans la jungle : celles-ci sont déjà sur les rangs pour transformer en revenus juteux les inquiétudes des lycéen-nes, des étudiant-es et de leurs familles.


Le jury est un robot qui préfère les lycées de centre ville

Les premiers résultats issus de la plate-forme ParcourSup confirment ce qui a été annoncé : à l’heure de l’AG, seuls 10 à 15 % des vœux avaient été retenus. La Commission centrale de l’université de Lille a traité 20 000 vœux, soit 22 % des demandes, en… trois jours ! L’algorithme a peut-être été rendu public, mais les critères de tri restent très opaques : le gouvernement a donné le statut de jury d’examens aux commissions d’étude des dossiers afin de ne pas avoir à rendre transparents les critères de choix des étudiant-es. Or les témoignages concordent tous : à l’issue de l’algorithme, une part très importante des dossiers restent ex-æquo ; les Commissions sont poussées à définir leurs propres critères pour les étudier, car le logiciel ne permet pas d’ex-æquo ; or de nombreuses Commissions ont ainsi décidé de trier les dossiers en fonction du lycée d’origine… inadmissible !


Pour certain-es, un long été d’angoisse

La procédure de sélection drastique choisie va entraîner des examens successifs des candidatures, et cela va durer jusqu’en septembre… bonjour l’angoisse ! Des étudiant-es connaîtront probablement l’université qui leur est attribuée après la rentrée. Ajoutons que le délai de confirmation du vœu est très court, il faut donc se connecter souvent.

Cette sélection se fait au détriment des lycéen-nes des classes populaires, puisqu’il y a une corrélation statistique entre les résultats scolaires et le milieu d’origine ; d’autre part les lycéen-nes qui ont de meilleurs résultats voient leurs vœux acceptés, et les autres doivent attendre un second tour voire un troisième ou un quatrième pour connaître leur sort ; enfin les élèves les plus fragiles ne seront pas choisi-es en premier-es et risquent de commencer l’année universitaire en ayant déjà manqué des cours…


Une mobilisation qu’il est crucial d’élargir

Plusieurs propositions avaient été soumises au vote au sein du collectif : très majoritairement les collègues ont décidé de la rétention des notes d’examen et de l’élaboration d’une plate-forme de négociation avec la présidence de l’université.

Une audience a été sollicitée auprès de celle-ci, en faisant état de l’urgence de la situation : la présidence n’a pas semblé pressée du tout et a accordé un rendez-vous… à la fin du mois de mai ! Il a fallu faire pression collectivement pour ramener cette date au 28 mai. Le collectif attend des améliorations de l’effectif des enseignant-es, du statut des vacataires et des conditions de travail des personnels administratifs. Sans réponse, ils et elles affirment qu’il n’y aura pas de rentrée à l’UFR de Sciences politiques – une des spécialité les plus mal encadrées de l’université, Lille 2 étant en outre très mal lotie par rapport au reste du pays. Ils et elles revendiquent la CDIsation des précaires et des postes d’ATER [5] au lieu des vacations prévues.

Le Collectif invite les étudiant-es et leurs familles à se joindre à lui pour faire pression sur la direction de l’université car la rentrée 2018 est vraiment menacée. Pourtant d’importants moyens ont été dégagés pour la fusion des universités de Lille et les vice-président-es ont touché des primes exceptionnelles. Le collectif menace aussi de démissionner des responsabilités administratives qui font tourner l’UFR mais qui ne sont pas rémunérées.

Des contacts sont en cours avec les organisations syndicales des personnels, étudiant-es et lycéen-nes, ainsi qu’avec les associations de parents d’élèves. Des syndicats interprofessionnels comme Solidaires sont aussi partie prenante pour cette mobilisation : la logique de « pôle d’excellence » et de tri social est totalement cohérente avec la concurrence et l’individualisation qui se développent dans le monde du travail, et cela commence dès l’école. Les choix politiques montrent clairement une idéologie de classe, empreinte de la certitude des classes dominantes que leur réussite sociale est due à des dons supérieurs et non à une position sociale déjà privilégiée au départ.


Annexes et suites de la mobilisation...

  1. Le collectif des enseignant-es de Lille 2 a réalisé un dossier de presse très éclairant sur le fonctionnement de Parcoursup, dans lequel figurent aussi ses revendications. Vous le trouverez dans son intégralité ci-dessous :

    1. tableau : comment départager les candidat-es selon l’algorithme
    2. parcoursup en LEA
    3. les revendications des enseignant-es de Lille 2 mobilisé-es
    4. motion des enseignant-es en lutte
  2. A l’issue de la manifestation du samedi 26 mai, une intersyndicale spécialement dédiée à la mobilisation contre Parcoursup s’est réunie pour envisager la suite du mouvement. Un tract et une réunion publique devraient être actés les jours prochains, nous vous en informerons le cas échéant.
    On lâche rien !

Notes

[1Loi dite « d’orientation et de réussite des étudiant-es », qui instaure un tri social drastique à l’entrée à l’université.

[2Unité de formation et de recherche .

[3Les étudiant-es qui cherchent à se réorienter sont très concerné-es par la sélection brutale désormais à l’oeuvre avec Parcoursup.

[4Centres d’information et d’orientation

[5Attaché-e temporaire d’enseignement et de recherche.